Le gouvernement a profondément remanié le projet de loi Travail afin d’obtenir le soutien des organisations syndicales

VERSION 2.0 – Le gouvernement a profondément remanié le projet de loi Travail afin d’obtenir le soutien des organisations syndicales.

C’est « un nouveau départ » que propose Manuel Valls pour le projet de loi El Khomri. Confronté au refus de toutes les forces syndicales d’appuyer cet ensemble de réformes, le gouvernement a profondément revu son texte pour prendre en compte les remarques et les critiques venues de toutes parts. C’est donc quasiment une loi El Khomri 2 que Manuel Valls a dévoilé lundi après-midi. Mais quels sont les principaux changements par rapport à la version initiale ? Europe 1 fait le point sur les modifications, les abandons et les ajouts au projet de loi Travail.

• LES MESURES ABANDONNÉES

Le caractère obligatoire du barème prud’homale. Le barème qui devait plafonner de façon impérative les indemnités prud’homales ne sera finalement qu’indicatif. « Le choix que nous faisons aujourd’hui est donc d’en rester à un barème indicatif dans la loi, qui sera une aide pour les juges prud’homaux, mais pas un carcan », a déclaré le Premier ministre.

La gestion unilatérale du temps de travail. La loi El Khomri prévoyait d’autoriser les TPE/PME à négocier directement et individuellement avec leurs salariés la modulation du temps de travail (instauration du forfait-jour, fractionnement du repos quotidien, astreinte, travail à temps partiel). Cette mesure a finalement disparu : il faudra passer par un accord collectif, et donc négocier avec des représentants des salariés. Les employeurs pourront néanmoins déroger à ce principe, mais pour une durée limitée à deux mois.

L’allongement du temps de travail des apprentis sans autorisation préalable. La loi El Khomri prévoyait d’autoriser plus facilement les apprentis à travailler 40 heures par semaine, alors qu’il faut aujourd’hui demander une autorisation à l’administration. Cette mesure a finalement disparu du projet de loi.

• LES MESURES AJOUTÉES A LA DEMANDE DES SYNDICATS

Le compte épargne-temps. Cette invention doit permettre de stocker des congés pour se les faire payer ou les décaler dans le temps. Le gouvernement a en revanche précisé que ce compte épargne-temps ne serait pas inclus dans le futurCompte personnel d’activité (CPA).

Le compte personnel de formation. Les syndicats et de nombreux économistes regrettaient que le projet de loi El Khomri évoque à peine la formation professionnelle et continue ? Le plafond du compte personnel de formation (CPF) sera relevé de 150 à 400 heures pour les salariés sans diplôme, ce qui leur permettra « d’accéder à un niveau supplémentaire de qualification tous les 10 ans », selon le discours de Manuel Valls

La garantie jeunes. Ce dispositif d’accompagnement des décrocheurs vers l’emploi va devenir un droit pour tous les jeunes sans emploi ni formation. Dans le détail, la garantie jeunes proposera, pour une durée d’un an, un accompagnement renforcé, des périodes en entreprise et une allocation mensuelle de 450 euros.

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• LES MESURES MODIFIÉES A LA MARGE

La réforme du licenciement économique. Aujourd’hui, une filiale installée en France ne peut pas être considérée comme en difficultés, et ne peut donc pas procéder à des licenciements économiques, si sa maison-mère et le reste du groupe se portent bien. Avec la loi El Khomri, seule l’activité en France serait prise en compte, un changement de périmètre dont les multinationales pourraient profiter pour mener un dumping social. Les syndicats demandaient donc que la santé d’une entreprise soit a minima prise en compte à l’échelle européenne, en vain : le gouvernement ne souhaitait pas revenir sur l’une des principales revendications du Medef. En revanche, le juge pourra vérifier que les multinationales n’organisent pas artificiellement leurs difficultés économiques sur le territoire français pour licencier, a annoncé lundi Matignon. S’il est établi que les difficultés financières ont été organisées artificiellement, les licenciements seront requalifiés en licenciements sans cause réelle et sérieuse.

La création d’un référendum d’entreprise. Actuellement, un accord d’entreprise ne peut être adopté si le syndicat majoritaire s’y oppose. Pour contourner cette capacité de blocage, la loi El Khomri prévoit d’instaurer un référendum d’entreprise. Si les syndicats représentant au moins 30% des salariés demandent une telle consultation, le vote des salariés, à la majorité des suffrages exprimés, primera sur la décision des syndicats. C’est d’ailleurs la stratégie qu’avait choisie la direction de l’usine Smart d’Hambach, en Moselle, pour revenir sur les 35 heures malgré l’opposition de la CGT et de la CFDT. Le vote qui y avait été organisé, qui n’a aujourd’hui aucune valeur, s’imposerait alors à tous. Les syndicats dénonçant une réforme qui pourrait déboucher sur de nombreuses dérives, le gouvernement a promis de ne l’autoriser que pour certains sujets précis.

La hausse du temps de travail sans hausse de salaire. En cas de hausse ponctuelle de l’activité ou pour répondre à une commande, l’entreprise pourra désormais augmenter le temps de travail des salariés sans augmenter les salaires. La mise en place d’une telle situation devra passer par un accord avec les syndicats. Une fois la proposition validée par les syndicats, la marge de manœuvre des salariés sera très limitée. S’il refuse, il sera en effet licencié pour motif personnel.

 

Des modifications suffisantes pour convaincre les syndicats ?

En proposant une telle réécriture en profondeur du texte, le gouvernement espère faire bouger les lignes parmi les syndicats. C’est chose faite du côté des syndicats dits réformistes : la CFDT, la CFTC et la CGC-CFE considèrent que cette nouvelle version va dans le bon sens. « Nos fédérations décideront lundi 21 mars si le projet Myriam El Khomri a suffisamment bougé ou pas. La CFE-CGC poursuit son travail ! », a ainsi réagi la centrale des cadres sur Twitter, avant de préciser que le référendum d’entreprise est toujours inacceptable à ses yeux.

En revanche, la CGT et Force Ouvrière ont déjà fait savoir qu’ils demandaient toujours le retrait du projet de loi El Khomri. « Je viens de confirmer au Premier ministre, au nom de FO, faute de suspension, la demande de retrait du projet de loi », a ainsi réagi le secrétaire général de FO sur Twitter. L’Unef a également maintenu son appel à manifester.

Côté patronat, la réécriture du projet de loi est perçue comme une reculade qui passe mal. La CGPME a ainsi dit craindre une « réforme à l’envers », allant dans le sens inverse de ce qui était prévu. Quant au Medef, il n’a pas caché sa déception. « Il y a un gros problème, c’est qu’il a retiré le plafond des prud’hommes », a réagi Pierre Gattaz, avant d’ajouter : « cette loi, il ne faut pas la dénaturer plus, (…) s’il y a encore des reculades sur ce texte, c’est la fin des haricots. »

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